lundi 29 avril 2013

Marcha contra el paro y la precaridad 2: Arrivée de la marche à Archena



(Précédemment: Préparations    )
 
29 avril 2013, Archena.

Ce matin, après un dimanche pluvieux, éclaircies. Et soudain, dans les rues, une chanson grésille. J’apprendrai ce soir qu’il s’agit de « Canto a la libertad » de Paco Ibanez. Et les haut-parleurs de la voiture-qui-fait-le-tour-de-la-ville-pour-passer-des-annonces annoncent l’arrivée à Archena de la marche contre le chômage et la précarité. Ca me fait bizarre. D’habitude cette voiture passe dans les rues d’Archena, avec ses haut-parleurs poussés à fond, pour faire part d’un décès ou pour faire la réclame de l’ouverture d’un nouveau magasin, ou même pour annoncer une messe patronale. Et aujourd’hui, c’est pour annoncer la marche ! Lors de la réunion de préparation jeudi dernier, je m’étais dis, « pourquoi pas faire passer une annonce avec cette voiture qui d’habitude nous casse les oreilles ? ». Mais je n’avais pas osé le leur proposer. Finalement, ils y ont pensé sans moi. Et ça fait du bien d’entendre nos chansons occuper aussi l’espace publique.

A 17h, je retrouve Pépé au bar. Nous partons avec quelques affiches sous les bras rejoindre la marche à l’entrée de la ville. Chemin faisant, nous recollons les affiches que les passants, aidés par les fortes pluies de ces derniers jours, ont arrachées.

Nous arrivons à l’entrée d’Archena. Sur le chemin, des amïs se sont jointes à nous. Nous sommes une vingtaine à attendre dans le tournant, sous un abri-bus, devant le feu de signalisation. Pépé nous remet à chacun une casquette de « l’intersindical », son organisation qui fédère plusieurs syndicats de la province. Au bout d’une dizaine de minute, on entend la musique de ce matin s’approcher. Un homme sur un vieux scooter passe avec une affiche collée sur son pare-choc : « Renta Basica » (revenu universel). Puis une voiture de la guarda civil au gyrophare allumé. Enfin un drapeau de la Seconde République Espagnole apparait au tournant. Puis un second.  Et les têtes de celles et ceux qui les portent. Une cinquantaine de personne arrive. Nous nous accueillons avec des applaudissements. Les organisateurs de l’accueil sur Archena déplient une banderole : « Archena pour l’empoi digne, Non aux coupes [budgétaires], Non aux expulsions ». La voiture aux haut-parleurs nous précède. Le conducteur, qui travaille sur Ceuti, la ville voisine, et Archena, porte la casquette de l’intersindical. Nous entrons. Les gens nous regardent passer au pas de leur porte. Beaucoup applaudissent. Une grand-mère s’empare d’un des drapeaux républicains que portait un des marcheurs. Une rose un peu fanée est accrochée à sa base. La grand-mère brandit et agite avec fierté le drapeau rouge-jaune-et-violet. Je m’appelle « Pasionaria ». Maintenant je peux m’appeler comme ça ! Avant ma mère me disait de ne surtout pas dire que je m’appelle « Pasionaria », seulement « Lola ». Sinon je risquais de me faire couper le cou. Mais mon vrai nom c’est « pasionaria », maintenant je peux le dire.


Je discute avec deux femmes qui font le chemin depuis le début, Yecla. Nous passons devant un hôtel quatre étoiles. « Tiens, se disent-elles, mais nous sommes sur le chemin du Balneario ! Si nous y allions pour nous faire faire un bon massage ?! » Je leur confirme que nous sommes bien sur le chemin du centre de thalasso qui fait la réputation régionale d’Archena. A mon accent, elle me demande d’où je viens, puis me demande ce qui se passe en France. Comme je commence à leur expliquer, un homme nous interrompt. Il me demande si je pouvais le redire tandis qu’il me filme avec son Iphone. Nous faisons connaissance. Tete fait partie de la plateforme anti-expulsion (PAH). Il a été appelé par Coi pour accompagner la marche depuis Yecla, jusqu’à Carthagène, et y camper devant le siège du gouvernement régional. Il habite dans un squat à Murcia. Et va et vient au grès d’actions à mener à travers l’Espagne.
Je le suis pour interviewer la grand-mère républicaine, Pasionaria. « Soy de la Raza Roja ! », je suis de la race rouge. Nous dit-elle. « Je touche une petite retraite. Je ne me plains pas pour moi-même. Mais toutes mes filles sont au chômage, et mes petits-enfants ! Je dois payer pour les médicaments d’une de mes filles. Tout ça c’est à cause de ce ‘bavoso Rojoy’ ! »
Pendant ce temps-là, s’organise l’assemblée devant la salle multisport. On me présente à Antonio. Il est né en France et y a vécu jusqu’à 16 ans. Beaucoup de monde ici a des liens de migrations avec la France. Un tel y a des oncles et des neveux, tel autre, comme Antonio, y est né ou y a passé son enfance, avant de rentrer. Je me mets à penser à la colère qui me prend souvent face à la bêtise de la politique migratoire actuelle de notre pays. Les migrations ne sont jamais à sens unique. Ce sont toujours des allers-retours. Des liens qui se tissent. Des souvenirs qui s’accrochent d’un côté comme de l’autre des Pyrénées, d’une rive comme de l’autre de la méditerranée et des océans. Un bon accueil et ce sont de bons souvenirs qui resserrent les liens entre les peuples. Une enfance heureuse passée dans l’école de notre république… La Pasionaria à l’instant nous disait que son mari était parti travailler en Allemagne, qu’il y avait reçu des papiers… pour se plaindre ensuite que le problème de l’Espagne venait des travailleurs sans papier qui prenaient le travail des espagnols… On peut être de race rouge, et se laisser prendre par la xénophobie… Mais autant, un mauvais accueil, comme notre Europe de la libre circulation des capitaux mais de la chasse aux immigrés en réserve à tant de toutes rives, c’est autant de mauvais souvenirs qui s’accumulent…
Tete a besoin de connexion internet pour télécharger photos et vidéos et rendre compte sur la toile de la marche. Je lui propose de profiter de celle de ma belle-famille. Il m’embauche comme cyber-activiste d’un soir. Il me parle des étapes précédentes. Le départ à plusieurs centaines à travers Yecla, petite ville au nord de la province, aux confins entre la Manche et la communauté Valencienne. La première nuit à Jumilla, ville connue pour son vin. La marche de dimanche sous la pluie battante. Des jeunes, des vieux, des femmes, des hommes, des syndicalistes, des membres de parti, et même du PSOE. La marche parallèle qui est partie depuis Alcantarilla compte aussi une cinquantaine de marcheur depuis le début, sans compter celles et ceux qui s’y joignent pour un jour, une étape. « C’est comme le chemin de Santiago, mais sans la religion ». Mais pourquoi pas, il peut y avoir une spiritualité dans le combat social.
Tete me raconte aussi les actions de la PAH. Comment quand une personne est menacée d’expulsion par une banque, ils vont « négocier » avec son directeur. C'est-à-dire dire « non » à tout ce qu’il propose, sinon à ce que la personne menacée puisse rester dans son logement (Je pense que ma fille de 18 mois serait très efficace dans ce genre de négociations…). Et si cela ne suffit pas, ils vont faire du « scratching » devant le domicile dudit directeur de banque. L’initiative de genre d’actions viendraient de Murcia, et est en train de se propager à travers l’Espagne.
Nous retournons pour le dîner. Patate à l’ail, charcuterie, fève, salade murciane (tomate, œufs durs, oignons et thon), vin, bière… Les tables ont été dressées dans un coin du gymnase. Nous mangeons tandis que se joue une partie de foot en salle. Les slogans politiques et syndicaux font échos aux crissements de chaussure de sport… Je suis au milieu de ceux qui marchent depuis Yecla. Santiago, Luis-Mi, Paco…

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