lundi 29 avril 2013

Marcha contra el paro y la precariedad 1

Préparations



25 avril 2013.
Il pleut sur Archena. La veille, on sentait l'odeur des fleurs de citronnier venant des huertas environnantes. Déjà les murs de la ville étaient couverts d'affiches vertes annonçant la seconde "marche contre le chômage, la précarité et les coupes budgétaires". Les revendications listées sur l’affiche sont :
-          Défense du secteur publique et des biens communs
-          Travail stable avec des droits
-          Sauver les personnes, et non les banques
-          Banque publique alimentaire
-          Pour une revenu universel
-          Concession de microcrédits pour les projets de l’économie sociale et des « auto-emplois »
-          Lumière et eau sans coupure pour cause de manque de revenus
-          Arrêt des expulsions, dation en paiement rétroactive et location sociale.

La marche va traverser la province de Murcia en 11 jours, du Nord montagneux, à la Côte sud. Pour le premier Mai, deux colonnes convergeront à la capitale, Murcia. Puis elles continueront ensemble jusqu’à Carthagène, où se trouve le parlement régional.
Archena est l’avant-dernière étape avant le premier mai. Construite dans un méandre du Ségura, à la sortie de la Sierra de Ricote, Archena est un petit bourg agricole. Traditionnellement, il s’agissait de huertas, ces cultures en jardin magnifiques qui associent sur les mêmes planches irriguées agrumes, légumineuses, datiers, et autres arbres fruitiers. Depuis la dérivation d’une partie des eaux du Tage vers le Ségura, à l’époque de Franco, les collines marneuses en hauteur, à l’origine sèches, se sont couvertes de vergers en monoculture : abricots, pèches, pamplemousses. Pendant ce temps, les belles huertas en fond de vallée sont abandonnées ou arrachées pour laisser place à l’étalement urbain, dont quelques ensembles construits ces dernières années, et qui restent au trois quart vides. Les promoteurs ont-ils pensé qu’on pouvait attirer ici, à quarante kilomètre à l’intérieur des terres, quelques retraités allemands ou néerlandais ? Peut être ont-ils pensé que certains souhaiteraient acheté une résidence secondaire à deux pas du centre de thalassothérapie qui utilise l’eau d’une source chaude en amont de la ville ? Mais dans les rues, des têtes blondes sur des visages écarlates, comme on en voit sur la côte, point. Les jours de pluies, par contre, on y rencontre beaucoup d’africains, noirs et maghrébins. Quand il pleut, on ne travaille pas dans les champs…
Le soir, je vais avec mon beau-père dans un bar pour une réunion de préparation de l’accueil de cette marche à Archena. La réunion a été décalée d’une heure. Nous attendons devant une bière en discutant avec le propriétaire. José raconte comment un voisin a travaillé quarante jours d’affiler dans une usine d’agroalimentaire. Il a enchaîné plusieurs fois dans la même journée le service de nuit avec un service de jour. Tout ça pour 800€. Ces heures supplémentaires ne lui ont pas été payé. Le seront-elles jamais ? Ainsi, ceux qui ont du travail sont esclavagisés, les autres humiliés. Dans la province de Murcie, le chômage atteint les 30%, une personne sur trois. La télé fait défiler les infos du jour. Rapidement apparaît ce qui devrait être la nouvelle phare : le chômage atteint des niveaux historiques, 13% des ménages ont tous leurs membres au chômage ou sans activité rémunérée. Mais les commentaires s’attardent sur des confrontations entre manifestants et force de l’ordre devant le Congrès.
Nous sommes finalement plus d’une douzaine à la réunion. Ce qui me surprend agréablement. La dernière fois que j’étais venu à une réunion du comité local d’Izquierda Unida (IU), il y a quelques mois, nous étions six, dont mon épouse, mon beau-père et moi. L’atmosphère était alors plutôt déprimante : beaucoup de plaintes, pas de perspectives politiques. Ce soir, ce n’est pas pour autant l’euphorie. Mais les gens sont là, prêts et disponibles pour accueillir la marche, et s’y joindre jusqu’à la capitale provinciale.
« Pépé » prend la parole. Il s’agit d’intendance et d’organisation. Mon beau-père me dit que la majorité des présents à la réunion font partie d’IU. Plusieurs syndicats sont aussi représentés, souvent, ici comme chez nous, par les mêmes. Des associations participent aussi. J’entends qu’une association de femme apportera le repas du soir : patates, fèves, et la spécialité du coin « gachas migas ». Même le PSOE local participera financièrement, pour les boissons apparemment. La marche se fait de ville en ville. A chaque étape une assemblée est organisée, une assemblée citoyenne dirions nous au Front de Gauche.
Peu de discussion politique ce soir. Seulement quelques doutes exprimés. Y aura-t-til des chômeurs à la marche ? La question peut sembler une provocation, dans une région où un tiers de la population est au chômage. Mais nous sommes au début de la récolte des abricots. La plupart des chômeurs y seront, payés au noir évidemment. Josè demande si on ne pourrait pas profiter de l’occasion pour mettre au jour cette situation : le chômage de masse n’empêche pas les grands propriétaires agricoles de recourir au travail au noir, cela les y encourage plutôt. Tout au plus déclarent-ils une journée pour une semaine travaillée… S’il n’y a personne pour suivre cette marche des chômeurs, alors que tout le monde sait combien il y en a, c’est qu’en réalité les chômeurs travaillent ! Autres doutes exprimés : cette marche est la seconde organisée sur ce thème dans la province. Qu’elles ont été les conclusions et les suites de la première ? Personne ne sait tout à fait. Des conclusions auraient été tirées des assemblées de la marche précédente. Mais elles ne feraient pas consensus parmi les organisateurs. Il y aurait eu des tensions…
En discutant avec José en rentrant, j’apprends que cette marche est inspirée de marches similaires organisées en Andalousie voisine. Là bas, c’est la SOC, syndicat des ouvriers agricoles (Sindicato de Obreros del Campo), qui est à l’initiative. Elle articule ces marches avec des occupations d’exploitations agricoles. Apparemment Murcia n’a pas la même histoire politique que l’Andalousie.
Nous ne savons pas encore combien de monde participera. Ce mode de mobilisation me semble intéressant. La marche de ville en ville à travers le pays ne présente pas l’aspect spectaculaire des manifestations de rue. Mais qu’est ce que cela peut induire chez celles et ceux qui y participent ? Corporellement, marcher, et puis les discussions qui peuvent s’engager en profondeur sur le chemin, est-ce-que tout cela ne sont pas des occasions pour redonner dignité à celles et ceux que justement le chômage et la précarité humilient au quotidien. N’est-ce pas une manière de promouvoir l’engagement et la conscience politique chez celles et ceux qui sont isolés par la précarité ? Je verrai bien pendant la marche que je compte suivre au moins sur deux jours, mardi et mercredi prochain. A suivre donc...

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