lundi 4 avril 2011

de nos aspirations et de nos limites

En réponse à "lekingdecanapé" dans le forum suite à l'article "lutter contre la prostitution en luttant contre les clients".

@ lekingducanapé je m'invite dans votre dialogue avec abolitionniste34. Parce que je m'identifie à son combat contre la prostitution, notamment à son refus du rôle donné aux hommes dans ce système. Et parce que je suis trés touché par ce que vous nous demandez: "que proposez vous?"

Je pense que nous sommes d'accord pour reconnaître que personne ici ne regarde l'autre de haut, pas d'arrogance. Plutôt nous sommes chacun des hommes dont les interrogations et les révoltes procèdent de leurs vécus intimes. Il n'est donc pas question de traiter les uns de "pol pot en puissance" ou de catégoriser les autres parcequ'ils auraient "mauvais fond". Le vecu d'abolitionniste34, si je remonte un peu les échanges de ce forum, c'est d'avoir été client prostitueur dans sa jeunesse, et de s'être rendu compte que cet acte n'avait rien à voir à de la sexualité, il s'agissait de violence perpetrée sur le corps d'autrui. Depuis, dans un combat qui est aussi le mien, il cherche à manifester son humanité aux personnes prostituées (il ne s'agit cependant pas de les sauver malgrè elles...) et il cherche à éviter aux jeunes de se laisser entraînner dans cette forme de violence, égarés qu'ils peuvent être par les mêmes mensonges qui l'ont conduit à être lui même client: fausse virilité, fascination pour l'acte sexuel plutôt que pour la relation qu'il suppose, supposée licence qu'autoriserait l'argent...
De la part de lekingducanapé, j'entends (mais ne peux comprendre entièrement) la souffrance de son handicap. Dans le domaine de la sexualité, une difficulté pour rencontrer un certain type de femme, une aspiration à de la tendresse, du contact physique, et certainement plus. J'essaie de reformuler. Je me trompe sûrement.

Je pense que nous vivons tous ce genre de limites dans notre sexualité. Bien évidemment, ce à quoi vous êtes confronté est sans commune mesure avec nos "petites" difficultés à rencontrer un-e partenaire, à faire la part dans nos fantasmes de ce qui relèvent d'une volonté de control de l'autre et de soi, et ce qui relèvent d'un abandon à l'inconnu en l'autre et en soi... ... faire la part entre la violence qui nous habite tous et le jeu de la relation qui nous fait grandir à plus d'humanité. Ce dissernement doit non seulement s'opérer sur des aspirations qui nous habitent, mais aussi s'affronter aux modèles qui nous entourent: les images, les modes, les moeurs... Je ne veux pas prendre une posture moralisatrice. A chacun de juger le mieux pour sa propre vie. Mais je ne suis pas indifferent à autrui. Je me permets donc, ici comme ailleurs dans mon engagement militant, de proposer un dialogue pour trouver ensemble un bien commun.

Que proposer alors? D'abord je propose un avis: quand il y a de l'argent dans un rapport sexuel, il n'y a plus réciprocité, donc on perd ce qui fait l'essence de la sexualité humaine. Pour la personne prostituée comme pour le prostitueur. Ce n'est plus du "sexe", c'est une violence. Un avis que je souhaite devenir normatif, donc devenir loi: la pénalisation des clients. Ce n'est pas le lieu ici de discuter en plus des questions de l'application des lois en général, dont celle-ci un particulier. Juste pour indication, je suis opposé à toute logique bêtement répressive. On peut faire appliquer cette loi efficacement sans pour autant en appeller à une logique inquisitoriale typique d'un etat repressif. L'application suédoise de la loi me semble d'ailleurs exemplairement débonnaire, et d'ailleurs efficace (aussi parce qu'elle était incluse dans un ensemble cohérent de lois pour "la paix des femmes"). A propos de loi et en aparté, la répression du racolage que cite madame Bachelot comme "abolitionniste" est justement tout son contraire puisqu'elle pénalise les personnes prostituées. Je milite pour son abrogation.

Ce que je propose encore? je suis d'accord avec l'aspiration que je vous suppose: une aspiration à une sexualité pleinement humaine. Vous y avez droit, vous la méritez. Non pas malgré votre handicap, mais avec toute votre personalité, dont votre handicap. Belles paroles? Facile à dire? Oui. Mais déjà de le dire, et de le penser sincérement, de vous le souhaiter...

Et puis? J'ose encore essayer de proposer une société possible où il vous serait plus facile de rencontrer un-e partenaire. Une société où les personnes qui vous regarderaient avec bienveillance seraient la majorité, oú votre handicap ne représenterait pas plus une restricition à l'idée d'initier avec vous une relation que le port de lunette ou un accent étranger... Et même n'y ferait pas obstacle votre longévité que la médecine vous prédit plus courte (peut-être? - j'ose ¿indécemment? faire des hypothèse sur votre handicap).

Comment pouvons-nous aboutir á une telle société? D'abord je pense qu'elle est a priori possible. Pour y arriver? Peut être cela aiderait que nous grandissions dans les mêmes écoles? Non pas lacher comme les fauves impitoyables que peuvent être les enfants. Mais encadrer par des équipes enseignantes suffisantes (l'expérience a été tenté en Espagne, ma belle-mére justement a été psychologue dans une telle école... jusqu'à ce que le gouvernement conservateur provincial supprime ces postes...)

Peut-être appliqué avec plus de volontarisme les postes qui vous sont reservés dans les entreprises, plutôt qu'elles s'en dédouannent en payant tribu. Ce qui aurait aussi l'avantage pour nous tous, prétendument valide, d'obliger les entreprises à être des lieux de production humaine plutôt que des lieux d'exploitation déshumanisant...

Peut-être en amplifiant la solidarité que vous méritez de la part de la collectivité pour mettre en place toutes les structures nécessaires pour compenser votre handicap. Ce qui aurait pour effet aussi de soulager vos familles (et donc de vous laisser plus d'intimité), et d'éviter que la perspective de partager votre existence paraisse un cauchemar de détails matériels.

Et peut-être enfin en refusant de "résoudre" le "problème" que pose votre juste aspiration à la tendresse, aux relations humaines de tout ordre, à la sensualité et à la sexualité en y répondant par la mise à disposition d'un "service sexuel" qui, dans les termes, est la négation de ce à quoi vous aspirez (à mon avis, certes). Mais qui surtout évite à tout un chacun de se poser toutes les autres questions de votre place pleine et entière dans la communauté humaine, dans le réseau social des amitiés (et des inimitiés! _ je veux bien être pour vous l'un ou l'autre!), dans le travail productif, dans la création artisitique et scientifique, dans la jouissance reciproque et respectueuse de nos corps sexués...

PS: Ce texte a été supprimé une fois du forum de rmc, bien qu'il soit resté suffisamment longtemps pour susciter une réponse plutôt positive de la part de "lekingducanapé". Celle-ci d'ailleurs n'a pas été supprimé, ce qui a donné la situation assez étrange d'une réponse à un "PhiG" dont on ne trouve nul trace ailleurs dans le forum. Ce texte a été re-posté deux jours plus tard, et il est jusqu'à présent toujours publié, mais après la réponse qui devrait le suivre!
La version présente présente une orthographe sérieusement améliorée.

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